HYBRIDATION
(tiré de la communication
de Denis Bachand « Hybridation et métissage sémiotique. L’adaptation
multimédiatique »)
L’apparition d’un nouveau média est
soumise à une logique d’hybridation qui modifie le rapport des sens et
introduit des enjeux esthétiques, sémiotiques et épistémologiques inédits
dans le champs culturel. À l’instar de ses prédécesseurs comme la radio,
la télévision et le cinéma dont il tire certains procédés, le multimédia
puise une partie de ses contenus dans le patrimoine littéraire. Le multimédia
élabore ainsi son langage propre à partir de logiques mixtes et convergentes
qui s’inspirent de pratiques antérieurs tout en façonnant de nouvelles
modalités d’écriture et de lecture. Aussi les mutations sémiotiques
engendrées par le développement des nouvelles technologies interactives
appellent-elles une reconceptualisation des rapports entre le texte et son
lecteur.
INTERACTIVITÉ
(tiré de la communication
de Denis Bachand « Hybridation et métissage sémiotique. L’adaptation
multimédiatique »)
Les œuvres créées sur cédérom bénéficient
d’un espace de jeu croissant mais toujours limité aux frontières physiques
du support qui en marquent les limites esthétiques. Aussi l’utilisateur se
voit-il forcé d’exercer ses actes performatifs à l’intérieur d’une clôture
interactive préalablement inscrite dans le dispositif par l’instance
auctoriale. Ce positionnement intermédiaire confère un statut particulier à
la réception de l’œuvre et entraîne des confusions terminologiques qui
illustrent les problèmes théoriques posés par ce nouveau mode de relation
au texte : quand en effet doit-on parler d’un utilisateur, d’un
spectateur (voire d’un spec-acteur), d’un lecteur, d’un joueur, ou
encore d’un interacteur?
C’est la figure de cette instance
actantielle particulière qui sollicite nos réflexions au moment d’aborder
l’étude de l’adaptation multimédiatique d’œuvres littéraires. En
mettant en évidence les procédures de transformations induites par le
transfert d’un mode d’expression à un autre, l’analyse de ce genre émergent
force la comparaison et permet d’appréhender l’instauration de postures
lectorales propres au nouveau dispositif interactif, tout en débouchant sur
une nécessaire critique de l’économie générale de la transposition au
nouveau média d’arrivée.
INTERTEXTUALITÉ
(tiré de la communication
de Philippe Marion et André Gaudreault « Un média naît toujours deux
fois »)
Ayant relayé mimétiquement les genres
ambiants, un média se déploie ensuite dans sa singularité. C’est la phase
d’émergence. Devenant l’objet de revendications identitaires, cette
singularité médiatique est, dès lors, perçue de plus en plus comme un
territoire vierge propice à de nouvelles créations, à de nouvelles expériences
communicationnelles. Par des glissements ou des modifications de pratiques,
par des changements socio-économiques, etc., le média en vient donc à révéler
certaines de ses spécificités expressives (communicationnelles, esthétiques,
génériques, etc.). Cette ouverture à l’autonomie est en interrelation
avec l’évolution du média et de son potentiel propre. Et lorsque
affirmation identitaire et autonomie coïncident avec une reconnaissance
institutionnelle et une amélioration décisive des ressources économiques de
production se manifeste alors la deuxième naissance – l’avènement.
Le média manifeste alors comme pertinente
la singularité des choix paradigmatiques – c’est son épaisseur
paradigmatique – qu’il peut offrir en propre dans le concert – le
syntagme – médiatique. En toute logique, cette prise d’identité devrait
lui faire perdre de cette intermédialité initiale, de cette intermédialité
spontanée qui le caractérisait du temps de sa première naissance.
Cependant, s’il a perdu cette intermédialité initiale, il en a acqui une
autre, compatible avec l’affirmation de sa personnalité : c’est l’intermédialité
qui toujours le traverse, mais qu’il négocie de manière propre, en
interaction avec son propre potentiel. Cette intermédialité pour ainsi dire
maîtrisée, est comparable à l’intertextualité agissant dans toute
production culturelle.
Une telle intermédialité négociée est
particulièrement importante dans le paysage médiatique actuel, marqué par
le flux, la contamination, l’interconnexion, le réseau généralisé. On
sait à quel point les médias tendent à s’interpénétrer et à se
combiner sous la forme d’hyper- ou de multimédias, sans parler de
l’univers d’internet.
« ENTRE »
et « INTER », la question du pont selon Heidegger
(tiré de « Essais
et conférences » de Martin Heidegger)
« Léger et puissant », le pont
s’élance au-dessus du fleuve. Il ne relie pas seulement deux rives déjà
existantes. C’est le passage du pont qui seul fait ressortir les rives comme
rives. C’est le pont qui les oppose spécialement l’une à l’autre.
C’est par le pont que la seconde rive se détache en face de la première.
Les rives ne suivent pas le fleuve comme des lisières indifférentes de la
terre ferme. Avec les rives, le pont amène au fleuve l’une et l’autre étendue
de leurs arrière-pays. Il unit le fleuve, les rives et le pays dans un mutuel
voisinage. Le pont rassemble autour du fleuve la terre comme région.
Il conduit ainsi le fleuve par les champs. Les piliers, qui se dressent
immobiles dans le fleuve, soutiennent l’élan des arches, qui laissent aux
eaux leur passage.
(…)
Le lieu n’existe pas avant le pont. Sans
doute, avant que le pont soit là, y a-t-il le long du fleuve beaucoup
d’endroits qui peuvent être occupés par une chose ou une autre. Finalement
l’un d’entre eux devient un lieu et cela grâce au pont. Ainsi ce
n’est pas le pont qui d’abord prend place en un lieu pour s’y tenir,
mais c’est seulement à partir du pont lui-même que naît un lieu.
TECHNOLOGIE
(tiré de la communication
de Rick Altman « Technologie et textualité de l’intermédialité »)
Dans le domaine de la technologie intermédiatique,
le mot de passe a toujours été la compatibilité. Pensez aux prouesses des
industries phonographique et cinématographique pour créer un système
capable à la fois de monophonie et de stéréophonie. Considérez le nombre
d’appareils différents, mais somme toute pas si différents que cela, qui
sont capables de s’insérer dans votre ordinateur : disquette, CD,
CD-ROM, DVD. Mais du côté de la textualité c’est une autre sorte de
compatibilité qui compte. Le texte intermédiatique doit pouvoir prouver sa
compatibilité avec les textes déjà existants en se montrant capable de les
citer. Cette « capa-cité » donne donc au texte intermédiatique
le même caractère bicéphale que la technologie de l’intermédialité. Les
premiers textes imprimés imitent l’écriture manuscrite. Les premières comédies
musicales filmées reproduisent directement ce qu’on appellent souvent
« la sensation new-yorkaise à cinq dollars », c’est-à-dire la
pièce telle qu’elle a paru sur les planches de Broadway. L’ordinateur a
commencé par simuler la machine à écrire et la calculette. Toute nouvelle
technologie, avant de devenir média à part entière, doit faire ses preuves
de « capa-cité » - elle doit se montrer compatible avec les médias
déjà existants, c’est-à-dire capable de citer dans leur intégralité les
textes véhiculés par d’autres médias, ceux mêmes que la nouvelle
technologie cherche à remplacer.

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